jeudi 14 janvier 2010

Interview de Philippe Richelle (suite...)

Philippe Richelle répond aux questions de Philippe Tomblaine.

PT: Martin Mahner est un personnage qui subit l’inéluctable : est-il simple de faire vivre un tel personnage en bande dessinée ?


PR: Tous les Allemands n’étaient pas derrière Hitler. Malgré l’efficacité de la propagande initiée par Goebbels, qui préfigurait les techniques actuelles de communication, tous ne se sont pas convertis au nazisme. Ils ne sont pas pour autant devenus des résistants purs et durs : le prix à payer était trop élevé, compte tenu du caractère redoutablement répressif du régime nazi. Ils ont donc « joué le jeu », à contrecœur. Martin émarge à cette catégorie.

Bien évidemment, il est plus compliqué de faire vivre un personnage qui subit les événements qu’un personnage qui les provoque, qui se comporte en héros.
Cela dit, et sans trop révéler de la suite de la série, les circonstances peuvent conduire à des situations où l’attentisme n’est plus possible…

Martin est un personnage complexe, parce qu’en proie à un profond conflit intérieur. La question qui se pose est la suivante : jusqu’où peut-on accepter de renier ses convictions, ses règles éthiques ? Ce thème de la « lâcheté ordinaire » renvoie à l’existence de chacun d’entre nous. Comment réagissons-nous face à de grands problèmes de société comme l’immigration, par exemple ? Pour la plupart d’entre nous, par l’indifférence. Or, derrière les statistiques, il y a des drames individuels…


Et comment réagissons-nous lorsque nous sommes confrontés directement à des cas de conscience ? Par exemple, je suis cadre supérieur dans une multinationale prospère. Les actionnaires sont mécontents de leurs dividendes et en exigent davantage. Mon patron me charge de licencier plusieurs de mes collègues. La décision me choque. Pourtant, il y a gros à parier que je l’exécuterai, par confort, parce que j’ai une famille à nourrir… Vivre en accord avec ses idéaux, ses convictions, n’est pas évident, surtout lorsque la conjoncture économique est mauvaise. Dans les années 60, les gens s’impliquaient dans de grandes causes, ils voulaient vivre en harmonie avec des idéaux généreux….

Un sociologue américain Hirschman établit un lien direct entre prospérité économique et engagement des citoyens dans la vie sociale. Actuellement comme à la fin des années 30 la conjoncture est mauvaise, l’avenir incertain. La tentation du repli sur soi est forte…Nous sommes amenés à malmener nos idéaux. Et nous sauvons la face en signant des pétitions sur Internet…

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